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"Gaslight movies" par Hélène Frappat

"Gaslight movies" par Hélène Frappat

Suite à la parution de son passionnant essai : "Le Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes", LaCinetek a proposé à Hélène Frappat de composer une sélection de "Gaslight movies", en commençant par le chef d’œuvre de George Cukor dont le titre original donne son nom au concept.

"À partir de Gaslight (Hantise, 1944) de George Cukor, qui a révolutionné la société états-unienne en offrant à ses spectatrices une double arme d’élucidation et d’émancipation de la norme conjugale, je propose de circonscrire un nouveau genre : les gaslight movies, hantés par une même obsession : le mariage comme mise à mort de la voix d’une femme. L’œuvre cukorienne matrice n’est pas isolée à son époque, celle de la déshumanisation opérée par le nazisme. En témoigne, la même année, sa “jumelle” Angoisse de Jacques Tourneur. Le gaslight movie n’est ni un film noir, ni un thriller, ni un whodunit. En effet le “coupable” est, par définition, connu dès le début. Telle est l’éthique inhérente à ce genre dépourvu de toute psychologie, et dont le point de vue, autrement dit la mise en scène, épouse la voix intérieure (étouffée) et le regard (nié) de la captive. Ainsi, ce qui enchaîne la veuve Jeanne Dielman dans le film éponyme de Chantal Akerman (1975), ce n’est pas un époux mort, mais le mariage bien vivant, que la Marnie d’Hitchcock qualifie de “prison”. Le gaslight movie est simultanément un documentaire démasquant la manipulation sur laquelle repose la norme conjugale, à l’instar de Voyage en Italie de Rossellini (1954), et la mise en scène d’un doute, l’auteur(e) choisissant de croire l’épouse gaslightée : croire à son récit, à ses larmes, à sa valeur, à son existence même, et permettre, dès lors, son émancipation. Ce n’est pas un hasard si Jacques Rivette décide de commencer L’Amour fou par la fuite de l’épouse humiliée/l’actrice congédiée incarnée par Bulle Ogier."

Hélène Frappat


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