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Indés US (1990-2015)

Indés US (1990-2015)

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Cassettes qu’on rembobine, gameboy “grise” et piles de pogs  : nous sommes dans les années 90 et on troque les couleurs disco pour un t-shirt troué, plus saillant au grunge. Les grandes idéologies des années 70 ont posé les bases d’une nouvelle ère sociale, mais le monde continue d’aller mal et les nouvelles aspirations ne parviennent pas à chasser un sentiment d’illusion ou de résignation. Une légèreté grave s’installe, et se répercute dans l’esthétique du DIY [do it yourself] : le « garage » de Nirvana à Sonic Youth est dans tous les walkmans, et le cinéma indépendant américain refleurit, fait avec les moyens du bord. L’émergence d’internet encourage ses créations en marge des circuits existants et des grands studios…

Le cinéma indépendant naît, aux États-Unis, dès l’avènement des studios, se posant en résistance contre l’industrie naissante. Si l’on compte nombre de grandes œuvres réalisées en marge des studios au fil des décennies — du Petit Fugitif (Engel, 1953) aux films expérimentaux de Warhol et Mekas —, le cinéma indépendant fait école avec le Nouvel Hollywood dans les années 70.

Près de 20 ans après Bonnie and Clyde, une nouvelle génération de cinéastes s’attache à montrer la face brute du diamant de la vie. Si les questionnements existentiels et l’incommunicabilité ne sont pas propres à cette nouvelle génération, ils en renouvellent les codes en explorant notamment la reconfiguration des relations intimes et familiales, traversées par une volonté de repenser la masculinité et la représentation des femmes.

Les termes se multiplient pour désigner ce mouvement “Indés US” qui n’en est pas tout à fait un : mumblecore ou l’art de maugréer en rongeant son frein ; slackavetes qui place ces auteurs de demain sous l’égide des cinéastes indépendants les ayant précédés, de la Nouvelle Vague française à John Cassavetes ; ou encore bedhead cinema qui évoque les thèmes affleurant dans ces films : l’intime et la difficulté à le mettre en mots.

Au fil des années, la dimension “fait maison” laisse place à un plus grand formalisme. Dès la fin des années 2000, de nouveaux noms émergent, comme Damien Chazelle : s’ils partagent les références de leurs aînés et leur parcours hors studios, leurs films développent une frontière plus poreuse avec l’industrie du cinéma, tout en conservant une attention accrue aux problématiques de leur génération.

1990. Metropolitan de Whit Stillman participe au lancement de cette nouvelle vague du cinéma indépendant états-unien. Comédie de mœurs autofinancée, le film est une tendre critique de la jeunesse dorée de New York, oscillant entre un snobisme désabusé et une envie de saisir le monde - ce désir inaccessible générant des discours raffinés, sérieusement teintés d’auto-ironie. Si cette jeunesse s’observe beaucoup elle-même, elle est aussi scrutée à travers l'œil de Tom — étudiant passionné par les théories socialistes de Fourier — se trouvant par hasard fréquenter la clique. 

Deux frères aux trajectoires divergentes se retrouvent et vont faire un bout de chemin ensemble, émaillé de nouvelles rencontres et de plans sur la comète. Imprégné d’un sens joyeux de la tristesse, Simple men de Hal Hartley (1992), d’apparence aussi simple que son titre, est une galerie de personnages, notamment féminins, décalés et directs. Le film donne vie à une scène de danse devenue culte : hommage à Bande à part de Godard en tonalité shoegaze.

En contre-point des groupes d’amis qui animent les films précédents, Wendy & Lucy de Kelly Reichardt (2008) pose un regard aussi mélancolique que contemplatif sur la dureté du monde contemporain, et la solitude qui y règne. L’amitié s’étend ici à la sphère animale, alors que Wendy part en quête d’un emploi accompagné de Lucy, sa chienne.

Lenny and the Kids élabore une esthétique de la spontanéité, nous plongeant au cœur d’une famille recomposée : caméra à l’épaule, rythme frénétique, les frères Safdie réimaginent la paternité moderne à travers le personnage de Lenny, père créatif aux enfants non-moins inventifs. Ce faisant, le film dessine le visage d’un des multiples anti-héros, aussi antipathique qu’attachant, qui peuplent le cinéma indé US.

La bande son de Frances Ha (2012) sert de pont entre les films, renvoyant à certaines références fondatrices de son réalisateur Noah Baumbach, comme Modern Love qui évoque la course folle de Denis Lavant dans Mauvais Sang (Leos Carax). Ode à la liberté, à l’équilibre aussi incertain que la silhouette dansante de son interprète, cette histoire d’amitié entre deux jeunes femmes doit beaucoup à Greta Gerwig (rôle-titre et coscénariste du film) qui deviendra l’un des regards féminins les plus emblématiques de notre temps.

De génération en génération, les membres de la famille Coppola livrent leurs regards sur leurs époques respectives. En 2013, Gia Coppola se saisit d’un recueil de nouvelles de James Franco et réalise Palo Alto, fresque sur une jeunesse californienne qui s’ennuie, aussi désireuse de goûter à la vie que d’en tester les limites. Cette errance, dans la droite lignée des récits de Bret Easton Ellis, contraste avec la sublime photographie du film, caractéristique de la deuxième phase du cinéma indés US. 

Whiplash révèle Damien Chazelle en 2014, grâce à son portrait de mentor toxique — interprété par J. K. Simmons, Oscar du meilleur second rôle – dans le milieu de la musique. Le rythme du film est guidé par celui de la batterie : chaque saccade ou syncope souligne les aspirations d’un jeune batteur se heurtant à un monde sans pitié, où règnent la violence et la concurrence.


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